mercredi, février 23, 2011

souvenir

L'autre jour avec mon fiancé, nous nous sommes faits voyeurs et avons entrepris sans pudeur la visite d'alcôves noyées d'ombre. Blottie dans ces cabinets intimes comme autant de peep shows, je me suis repue d'images de corps plus ou moins nus, de chansons sirupeuses, d'orgasmes au ralenti et de baisers sans fin. Des baisers, tant et tant de baisers.

Chassez tout de suite de vos esprits tordus ces idées lubriques : nous ne fréquentions pas quelque échoppe au néon rouge, nous étions au Musée national des beaux-arts du Québec.

Avec l'exposition Emporte-moi/Sweep-me off my feet, Nathalie de Blois témoigne à nouveau de sa grande sensibilité et de la maîtrise de son métier. La conservatrice d'art actuel du MNBAQ qui nous en avait jeté plein la vue l'an dernier avec C'est arrivé près de chez vous joue cette fois sur un autre registre. En collaboration avec Frank Lamy, chargé des expositions temporaires du MAC/VAL, de Blois propose une composition aérée et très nuancée, un corpus d'oeuvres porteuses d'émotivité et énoncées dans un langage universel. Les accents de la passion n'y manquent pas, et les émotions fortes surgissent parfois là où nous n'avions senti qu'un sourire tirer la commissure de nos lèvres.

Toute la sensibilité touchante de cette exposition se résume aux dernières phrases du texte de Nathalie de Blois qu'on retrouve dans le beau catalogue en forme de calepin Moleskine :« L'abandon demeure le plus implacable et le plus tendre des maîtres. Et il ne sera jamais plus déroutante musique que celle d'un coeur qui se brise.»

Les pièces choisies par les commissaires utilisent un langage simple et direct : beaucoup de vidéos et de photos qui mettent en scène des humains qui nous ressemblent et posent souvent les gestes du quotidien. Nul besoin de grand symbolisme, comme si l'amour et son cortège de contradictions étaient déjà suffisamment compliqués. Le sujet rend-il plus humain ou plus humble ? Peut-être...

Sans peur du kétaine et à l'abri du cynisme, Emporte-moi ose et s'expose, nous invite à reposer notre âme et à laisser cours à toutes les histoires d'amour qui ont béni ou blessé nos vies. Le questionnement qui s'en dégage est intimiste et, peut-être aussi, nombriliste. La question Qui suis-je MOI avec ou sans toi ? est au coeur de la recherche.

Une chose est certaine, la grande réussite de cette exposition tient à la seule nécessité pour le spectateur de se laisser aller à l'émotion. Dans la lumière blanche d'une grande salle, ma gorge s'est nouée devant la mort filmée d'inséparables. Je me suis sentie un peu gênée et me suis assurée que personne ne m'avait vue étouffer un sanglot. On se sent toujours un peu bête quand on pleure au cinéma.

Plus loin, dans une des alcôves plongées dans le noir, une vidéo met en scène des hommes assis dans un bar un peu minable. Le plus jeune se lève et entonne Crying de Roy Orbison. Sa voix est très pure et juste. à leur tour, les autres hommes se joignent à son chant, le transformant en quelque chose de lyrique, à la limite du ridicule. Mais quand, à la toute fin, la caméra se pose sur le visage du plus jeune inondé de larmes, l'émotion violente et soudaine nous emporte. La douleur de l'abandon.

Ailleurs, sur l'écran dans un coin, en noir et blanc, une femme observe attentivement son compagnon immergé dans l'eau de sa baignoire et, dès qu'il le faut, lui insuffle de l'air pour éviter qu'il ne se noie.

« Je ne respire pas sans toi, JE MEURS SANS TOI Ton souffle est ma voix... Ta sueur, mon parfum. Je broderai « je t'aime » mille fois sur un ruban étroit...
And If I don't meet you no more in this world, I'll meet you in the next one, And don't be late, don't be late .»

Voilà les murmures et les images qui ont laissé leur étincelle en moi au long de cette très, très belle exposition.