Monsieur Labaume, donnez-moi donc pour 2$ d'art svp
Monsieur Labaume,
Que ferions-nous sans vous? Qui nous fouetterait le sang et nous ferait sortir de nos gonds? Vous nous permettez de mettre au grand jour les questions de fond et d'en débattre sur la place publique.
La toute dernière indignation collective provoquée par votre questionnement quant à la fonction et la pertinence de la collection d'œuvres d'art acquise par feu Mme Boucher et exposée à l'ancien Hôtel de Ville de l'arrondissement Ste-Foy Sillery me fait réagir à mon tour. Vous désirez faire évaluer cette collection et évoquez la possibilité de vendre certaines des œuvres qui la composent. Je suis bien d'accord pour l'évaluation, il est tout juste normal qu'une municipalité connaisse la valoir de ses avoirs. Par contre, quel message envoyez-vous en voulant "liquider" des œuvres? Qu'en est-il de votre vision de Québec comme leader culturel?
Usant de sa crédibilité d'artiste dans ce dossier, la conseillère Chantal Gilbert vous accorde son appui, mais précise que l'argent récolté, de l'éventuelle vente d'œuvres devrait être réinvesti dans des projets liés à la culture. Elle ajoute que ces œuvres achetées avec l'argent public sont actuellement accrochées dans des bureaux de fonctionnaires et que les citoyens ne peuvent pas les voir. J'aimerais simplement lui faire remarquer que les Musées sont remplis d'oeuvres accessibles aux citoyens, qu'il y a même au moins une journée gratuite par année pour permettre à tous les citoyens de voir de l'art, mais qu'une grande majorité d'entre eux n'ont jamais mis les pieds dans un Musée. Le fond de la question n'est certainement pas là. Ce sont de faux arguments. Le soutien aux artistes par l'achat de leurs œuvres et la préservation du patrimoine artistique sont en elles-mêmes des causes qui justifient largement l'investissement de deniers publics, il me semble que la preuve n'est plus à faire. Je trouve Mme Gilbert bien timide dans sa proposition, sachant que le terme " lié à la culture " est si flou, que l'argent pourrait être utilisé à financer à peu près n'importe quoi de vaguement culturel. Qui dit culture ne dit pas art, il serait bon de s'en rappeler.
D'autres encore avancent que l'argent doit être réinvesti dans des œuvres d'artistes encore de ce monde plutôt que celles de peintres défunts, ou encore dans des projets de 1%(intégration à l'architecture). De bonnes idées sans doute.
À mon avis par contre, c'est Louis Lacerte de la Galerie Lacerte, art contemporain qui a mis le doigt sur le vrai bobo. Il s'insurge contre le fait qu'à chaque fois qu'un politicien ou autre personnage public s'emploie à donner une valeur uniquement marchande à l'art, la cause des artistes recule. Il a raison, il y a déjà bien assez de gens qui considèrent que les artistes sont des bébés gâtés et que l'investissement en art est de l'argent gaspillé. Malheureusement, des propos comme les vôtres monsieur le maire apportent une eau stagnante à leur moulin grinçant!
Monsieur Labaume vous vous targuez de vouloir faire de Québec la capitale Culturelle du Québec, entrant ainsi en compétition avec Montréal qui en revendique le titre de plus en plus haut et fort et Saguenay. Or, votre questionnement quant à la pertinence pour une ville comme Québec de "dépenser " autant d'argent pour l'achat d'oeuvres est à mon avis une contradiction énorme avec vos intentions professées. De grâce, trouvez une façon de rendre ces tableaux visibles aux citoyens, invitez-les à découvrir LE TRÉSOR que possède LEUR ville, soyez cohérent avec vos intentions exprimées. Vous êtes un leader et votre exemple a certainement un impact important dans l'opinion des gens. Cette approche d'épicier envers des acquis dont la valeur transcende largement le prix sur l'étiquette ne peut qu'éloigner Québec de sa fonction de leader et de visionnaire sur le plan artistique, partie importante de cette vision culturelle. Je pense qu'à chaque fois que l'on se met à considérer la valeur du travail des artistes au même titre que le prix de la côtelette de porc, on fait un grand pas en arrière.
Il n'en tient qu'à vous de faire quelques pas de l'avant pour regagner un terrain qui n'est peut-être pas encore perdu.