être jeune et mourir
Marc Séguin, sans titre 2002
J'ai reçu ce matin un courriel sûrement envoyé à plein de gens. Un courriel envoyé par un homme qui se questionne sur les jeunes qui prennent une arme et tirent sur ceux qui les entourent. Un homme qui se questionne sur ce qui arrivent aux jeunes et ce qu'il en advient de la jeunesse. Un homme qui nous rappelle que quand il était ado (il a 37 ans) les jeunes ne se tiraient pas dessus, l'expression de leur rage de vivre ou de leur mal à l'être ne s'exprimait pas par le meurtre.
Olivier Choinière (et oui, encore lui)a répondu à ce courriel. Sa réponse rejoint ma pensée, pensée que je vous exprime ici.
Voici un extrait de la réponse de Choinière(je le cite sans sa permission, j'espère qu'il me pardonnera): Il y a 15 ans, on parlait beaucoup de génération X, du No Futur. C'était triste, mais il y avait quand même l'idée d'un avenir, même nostalgique. Aujourd'hui, on en parle tout simplement pas, parce qu'il n'y a tout simplement plus d'avenir. On dit aux jeunes comme on nous dit en général d'être prudents, inquiets, pondérés, de s'acheter des REER, d'être pragmatiques et terre-à-terre: l'avenir ne sera pas une partie de plaisir. Si j'avais 16 ans je chercherais à faire péter ces cases imposées. L'exutoire est nécessaire, il sert à rêver, à s'extraire de soi-même. S'il n'y a plus de rêve, tu crèves, trappé dans un présent sans issue.
Or je ne pense pas que le fusil soit un outil de communication, ni le meurtre une manière de s'exprimer. Ce type de tragédie nous sidère, nous consterne, nous laisse impuissants et pantois. C'est un exutoire de haine, une non-communication, un non-choix, aussi un signal d'alarme qui ne vaut pas seulement pour la jeunesse, mais pour l'ensemble de la société.
Olivier conclut en disant que la jeunesse nous tend un miroir peut être déformant, mais juste et que son désespoir est également le nôtre.
La société a toujours imposé des règles assez rigides, mais maintenant, elle sont encore plus insidieuses, parce que l'on nous berce dans l'illusion du choix, de l'information et de la cyber communication. Le contour des cases que l'on s'amusaient à faire péter quand on étaient ados, est de plus en plus flou, caché par la télé/réalité/freakshow/24 heures sur 24, entre autres choses. Quand tu ne vois pas les barrières à abattre c'est difficile de savoir sur quoi taper.
C'est vrai que la jeunesse est un moment particulièrement fait pour rêver, pour sublimer le réel pour expérimenter, pour forger sa vision du monde et de l'avenir.
C'est vrai que nous sommes abrutis par la surinformation et la multitude d'écrans (télé, cathodique, cinéma) qui enrégimente nos vies.
C'est vrai aussi que l'on à peine à croire en l'avenir avec les discours alarmistes sur la catastrophe planétaire imminente et la vision paralysante de Liberté 55. On est en droit de se demander où est passé l'espace de rêve si vital aux jeunes.
Quand on est jeune, il faut pouvoir être fous, délinquants sur les bords, faire plein d'expérience, explorer toutes sortes de mondes, sortir du carcan afin qu'il ne nous étouffe pas et surtout se construire les muscles cérébraux nécessaires pour constamment briser ce carcan le reste de notre vie.Comme un vaste cours de Kung Fu de l'esprit quoi! C'est ça l'espoir et l'avenir.
Ouvrir les portes et les fenêtres pour laisser circuler l'air, essayer de donner les outils pour communiquer, laisser la place pour rêver, voilà ce que nous devons faire pour permettre aux jeunes de vivre pour se permettre de vivre. L'art est un véhicule blindé pour s'exprimer et permettre aux jeunes d'y pénétrer, c'est peut-être mettre entre leurs mains quelque chose d'aussi puissant mais moins mortel qu'un fusil.
Les jeunes qui tirent sur leurs confrères de classe font partie de notre société, leur désespoir est le nôtre, et nous les laissons trop seuls pour se démerder avec leur détresse. Je ne comprend pas cette tendance à parler des "jeunes" et de la "jeunesse", comme s'il s'agissait d'une race distincte, d'une génération spontanée que nous ne reconnaissons pas comme nôtre.
Anecdote: je donnais un atelier sur "Comment intégrer la génération Y au marché du travail!" (déjà le fait de devoir donner ce genre d'atelier est désespérant) les participants étaient surtout des boomers qui n'arrêtaient pas de parler de l'égoïsme des jeunes, de leurs exigences et blablabla. Jusqu'à ce que je leur dise : "N'oubliez pas que c'est vous qui les avez élevés, cette génération Y, ce sont VOS enfants". Ils n'ont pas su quoi répondre.
Les jeunes qui prennent des fusils ou qui se suicident ce sont les nôtres, nos enfants, le produit de notre société qu'il est si facile de décrier, mais si ardu de changer ou même simplement d'influencer. En terminant je cite, le CHE (comme je l'ai si souvent fait auparavant) : "Soyons réalistes, exigeons l'impossible"
Exigeons pour nos jeunes de pouvoir rêver, sublimer la réalité et prendre le temps de penser, vraiment penser, sans être bouffer par la pression de prendre des REER et de payer les traites sur la voiture et la maison.
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