mercredi, septembre 05, 2007

Suivre le mouvement

Je suis allée à quelques reprises visiter cette année le Symposium d'art contemporain de Baie-Saint-Paul. Comme dans tous ces évènements qui regroupent plusieurs artistes autour d'un même thème, en l'occurrence celui de l’engagement envers la culture, il y avait du bon comme du moins bon.

Parmi mes coups de coeur il y a, loin devant tous les autres, le trio VIA formé de Sylvie Cotton, Massimo Guerrera et Corine Lemieux.
Trois artistes qui vivent à Montréal et qui n'en sont pas à leur première complicité. Le titre de leur projet: Sous influences invoque l'empreinte laissée par une substance étrangère sur l'esprit, la volonté ou le corps à la limite. Cette "installation" composée de dessins, et de quelques sculptures s'est réalisée véritablement sous influence; à trois. Trois artistes qui travaillent sur le même dessin, tour à tour, ou encore tous en même temps, les mains liées qui tracent les lignes et les formes sur le papier. L'ego de l'artiste, sa volonté, son influence qui se fond dans celle de l'autre ou qui ne se fond pas... Comment savoir qui influence l'autre? Où tracer la ligne entre l'inspiration de l'un et la volonté l'autre? Exercice d'autant plus intéressant que deux des participants sont des conjoints dans la vie. Il n'est pas question ici de se soumettre à une volonté extérieure, mais plutôt de faire corps avec l'autre. Les artistes m'ont raconté que parfois, les mains liées, aucun n'avait l'impression de mener ni de suivre, ils se soumettaient alors tous les trois à un mouvement spontané, issu de leurs trois corps et esprits. À trois, ils suivaient le mouvement comme une espèce de danse, qui suit les battements d'un même coeur.

Ils ont parfois tenté l'expérience avec un spectateur, un artiste lui laissant la place, il se trouvait lié aux deux autres pour suivre ou diriger le mouvement.. J'aurais bien aimé être une de ses spectatrices.

Résultat: une série de dessin très beaux, légers et mouvants , évoquant une espèce de pureté, de dépouillement, des petites sculptures/installations composées d'objets trouvés sur le territoire entourant le lieu de création. Le tout évoquant l'harmonie, la légèreté et empreint d'une esthétique qui rappelle simultanément autant celle du travail de Massimo, de Corine ou de Sylvie. Parfois on croit y reconnaître le trait de crayon de Massimo et la seconde d'après c'est l'esprit de Corine ou de Sylvie qui émerge, on n'est plus certain, ça se brouille, et c'est, en cela, extrêmement réussi.

En cette époque où j'ai parfois l'impression que le nous n'existe plus, où le moi exige haut et fort le DROIT de s'exprimer, ce travail m'a touchée et charmée et m'a aussi insufflée un peu d'espoir
Photo dans le texte: Corine Lemieux: Projet Rencontre du 3ième type, photo couleur, 2002



Sylvie Cotton De loin un coeur peut ressembler à une roche (de la série des dessins soufflés) 2007
Encre et gouache sur papier
96 X 71 cm