lundi, mars 12, 2007

Purifiés; la vérité qui tue


"J'écris la vérité et ça me tue" Sarah Kane-1971-1999

Je ne vais pas assez souvent au théâtre, mais quand j'y vais, je suis toujours touchée, bouleversée, questionnée. C'est exactement ce qui s'est passé quand je suis allée voir Purifiés de Sarah Kane, monté, produit et mis en scène par tectoniK_compagnie de création et présenté au théâtre Premier Acte à Québec.

Sarah Kane, dramaturge britannique, est née le 3 février 1971 à Essex et est décédée le 20 février 1999 à Londres. Ses pièces suscitent un scandale au Royal Court Theatre,notamment Blasted (Anéantis).Elle est également l'auteur de Phaedra's Love (L'amour de Phèdre), Cleansed (Purifiés), Crave (Manque) et 4.48 Psychosis (4.48 Psychose) - Sarah Kane souffre de dépression profonde et est internée (volontairement) à 3 reprises. Sarah Kane se suicide à l'âge de 28 ans (en se pendant avec ses lacets dans les toilettes d'un hôpital) en 1999.Seules quelques unes de ses pièces ont été montées au Québec. Je pense entre autre à 4.48 Psychose, interprétée par Marie Villeneuve des Têtes Heureuses.
D'emblée j'ai été séduite par l'audace de tectonik_créations de s'attaquer à une telle oeuvre. Purifiés raconte une histoire qui se déroule en principe dans une Université, mais qui ressemble en fait à une chambre de torture dans un asile ou encore à un camp de concentration. La mise en scène fait appel à la danse, la musique, à un texte fort, violent soutenu par d'excellents comédiens, intenses, engagés.

En scène, un frère et une soeur, un couple homosexuel, une danseuse dans un peep show, un maître de cérémonie cruel et omnipotent. L'amour trahi, l'amour qui tue, l'amour qui transforme, l'amour qui libère. Aimes-moi ou tues-moi. Une oeuvre qui s'attaque à bien des tabous; folie, viol, torture, inceste, homosexualité, changement de sexe... sans jamais tomber dans les clichés, en sublimant l'horreur par la beauté du texte et des gestes. Une oeuvre dure, violente, insupportable parfois, mais aussi remplie de grande beauté et d'une fragilité qui écorche l'âme. Cette pièce m'a profondément bouleversée en ce qu'elle a suscité en moi l'expérience profonde de la détresse que l'on ressent face à la trahison, à la solitude, à l'horreur banalisée d'un quotidien silencieusement tragique.


Je connais des gens qui refusent de voir des oeuvres sombres (films, théâtre, livres), des gens qui considèrent que l'on est suffisamment conscients de l'horreur du monde sans avoir à la prendre en pleine gueule aussi durement. C'est leur droit. Je ne vois pas les choses de cette façon, je pense, comme Sarah Kane, qu'il est nécessaire de voir et d'entendre l'Enfer:
"Nous devons parfois descendre en Enfer par l'imagination pour éviter d'y aller dans la réalité. L'expérience de la souffrance imprime en nous les marques de ses leçons tandis que la spéculation nous laisse intacts (relativement) et je préfère prendre le risque de susciter des réactions violentes plutôt que d'appartenir passivement à une civilisation qui s'est suicidée" Sarah Kane

Alors bravo à tectonik_création et au théâtre Premier Acte d'avoir oser une oeuvre aussi marquante et dissonante.

Je souhaite vivement qu'elle soit jouée encore, ici à Québec, à Montréal, enfin un peu partout au Québec.

3 Comments:

At 10:14 p.m., Anonymous Anonyme said...

Sarah Kane se révèle d'une grande perspicacité ; c'est en effet en entrant dans les principes du fou qu'on lui vole s'est arme pour se défendre contre lui et c'est, en mathématique, en passant par l'absurde qu'on retourne à la réalité.

 
At 4:16 p.m., Anonymous Anonyme said...

Ce n'est pas la seule fois qu'une pièce de Sarah Kane a été jouée au Québec.
Pour votre information :
http://www.uqac.ca/ltheureu/misanthrope/comediens.php

Vois sous Marie Villeneuve. J'ai d'ailleurs vu la pièce qui était très intense.

 
At 6:35 a.m., Anonymous Anonyme said...

Cher C, merci de l'info, je me suis laissée induire en erreur en lisant le livret de la pièce. J'ai également appris qu'un autre pièce de Sarah Kane avait été montée à Montréal, je corrige donc mon billet pour en faire mention.

 

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