lundi, mars 05, 2007

En parlant de choquer

Une des forme d'art actuel qui me touche le plus et qui en même temps me laisse le plus souvent perplexe est sans doute la performance. Cela me touche peut-être parce que j'ai la perception de l'implication intime et parfois extrême de l'artiste dans son oeuvre et c'est également pour cela que je suis déconcertée. J'ai vu quelques performances qui m'ont beaucoup touchées. Toutes celles de Claudine Cotton par exemple. Je pense entre autres à celle effectuée dans le cadre de Autour de la légereté du collectif TOUTOUT.

En continuant dans l'esprit de mon billet l'art peut-il encore choquer, j'ai envie de vous parler aujourd'hui de celle que l'on considère comme la grand-mère de la performance; Marina Abramovic et quelques unes de ses performances qui moi, m'ont profondément bouleversée, on peut donc parler ici de choc. Encore une fois, c'est l'émotion transmise, la teneur du propos et le médim utilisé pour les transmettre qui m'ont "choquée".

Marina Abramovic est une artiste serbe née à Belgrade en 1946. Elle pousse les limites de l'endurance physique et mentale à travers ses performances. Elle s'est lacérée, flagellée, a congelé son corps sur des blocs de glace, pris des produits psychoactifs et de contrôle musculaire qui lui ont causé des pertes de connaissance. Durant l'exécution d'une de ses œuvres, elle s'est de même trouvée presque morte d'asphyxie sous un rideau de flammes. Elle crée un point de rupture avec le public. elle force les spectateurs dans le ici et maintenant en les confrontant à la représentation du danger, de l'urgence.

J'ai choisi trois oeuvres d'Abramovic (cela a été très difficile) pour illustrer à quelle point cette particulière forme d'art peut -être poignante.

Dans « Balkan Baroque » (1997), qui fut récompensé du Lion d’Or à la biennale Venise, l’artiste performe sur scène, illuminée par deux écrans vidéo montrant des images des ses parents. Elle est assise sur un tas d’os d’animaux qu’elle nettoie de leur viande restante. Tout à coup, elle raconte la légende d’un rat-loup, une créature qui mange les animaux de sa propre espèce quand elle a peur. L’allusion à la guerre balkanique est évidente.


En novembre 2004, l’artiste fait un travail coopératif avec Jan Fabre – « Virgin/Warrior , Warrior/Virgin » - dans le Palais de Tokyo (Paris). Ils restent quatre heures dans une capsule de verre où ils pratiquent le culte du sacrifice et du pardon en blessant l’autre avec des armes en métal et communiquant avec le public au moyen des messages écrits avec leur propre sang

« Balkan Erotic Epic » consiste en plusieurs projections qui explorent le corps humain et l’érotisme qu'on retrouve dans les traditions païennes de cette région. Ces travaux sont le résultat de recherches sur le folklore serbe dans lequel Marina a découvert de nombreuses histoires quant à l’emploi de l’érotisme et de la sexualité dans la vie quotidienne : le corps et les parties génitales ont une place prépondérante dans la fertilité et les rites agricoles des paysans balkans. les habitants des Balkans utilisent leurs organes sexuels, masculins et féminins, pour changer le monde, pour conjurer le sort : avoir une bonne récolte (se masturber dans la terre), éliminer les parasites (attacher une larve au pénis d’un enfant), se préserver de l’impuissance la nuit de noces (mettre son pénis dans trois trous creusés dans le tablier d’un pont en bois), protéger son enfant du mauvais oeil, regagner l’amour de son mari, etc… Par exemple, en cas de fortes pluies, les femmes du village courrent dans les champs, levent leurs jupes pour effrayer les dieux et mettre fin à la pluie. A travers une série de photographies et films, Marina célèbre la culture et le folklore des Balkans, le pouvoir de la sexualité et de la tradition.