L'art, le foie gras, les journalistes et le bon peuple
L'action terroriste socialement acceptable (ATSA) organise encore cette année L’État d’urgence;un Manifestival interdisciplinaire avec et pour les gens de la rue orchestré par l’ATSA depuis 1998. L'État d'urgence prend forme tel un camp de réfugiés effectif en plein centre-ville avec trois repas par jour, une collation en tout temps, des dons de vêtements chauds, un dortoir pour 150 personnes de la rue et plusieurs services de première ligne. Cette année semble-t-il l'évènement s'enrichira d'un souper gastronomique qui invitera des sans-abri à partager un repas avec les plus nantis de cette société.
Or Jean-François Nadeau, directeur des pages culturelles au quotidien Le Devoir (encore *%& de #@@*@*& de chroniqueur culturel) fustige avec mépris les interventions de l'ATSA qui sont, ne l'oublions pas, des interventions D'ART!!! sous prétexte que leurs actions des 10 dernières années ne RÈGLENT pas le problème de la pauvreté et de l'itinérante!!! Encore un qui n'a pas compris le rôle de l'art dans la société. Vous avouerez que pour pour un journaliste culturel, ça craint. Il accuse agressivement l'ATSA de se faire du capital esthétique sur le dos des pauvres.
J'en ai eu le souffle coupé. Il y a des fois ou je suis complètement découragée.
Voyons donc!!! on va cracher sur les artistes qui s'impliquent socialement sous prétexte que leur action ne règle pas le problème qu'elle dénonce et on les accusent d'élitisme parce qu'il y a du foie gras en jeu quelque part dans le tas d'autres activités!!!.
Encore une fois, on pense que tricoter des mitaines, donner du steak haché pis des patates pis du navet bouilli, c'est ça qui convient aux pauvres et que le luxe est indécent pour eux!! L'art fait rêver, et si je ne suis pas toujours épatée par la qualité artistique des actions de l'ATSA, je sais au moins que les évènements créés par eux et leurs collaborateurs, réchauffent longtemps le coeur et l'âme de tous, ben plus longtemps qu'une canne de bines.
Ceci dit, il faut un vrai débat sur la pauvreté au Québec, mais je ne vois absolument pas comment l'ATSA empêche ce débat de se faire, au contraire
Je vous mets en lien l'article du journaliste et si ça vous intéresse il y aussi le débat entre le J-F Nadeau et Annie Roy à Macadam Tribus
En terminant je vous invites à la réponse d'Annie Roy que voici, elle l'exprime beaucoup mieux que moi:
À QUOI ÇA SERT?
M. Nadeau…autant vous remercier de nous donner la chance de réfléchir…vous remercier…on aurait dû y penser plus tôt…
Folie Culture, ATSA, Armand Vaillancourt, Mohamed Lotfi, André Pappathomas, Claudine Cotton, Paul Cargnello, Jocelyn Bérubé, les Walkiries, Isabelle st-Pierre, Karen Spencer, Tricot machine font de l’art…à quoi ça sert?
L’itinérance est un problème grandissant, on le sait tous…on peut rappeler quelques chiffres dont 150 000 à 300 000 sans-abri au Canada…mais arrêtons donc d’en parler, ça fera certainement agir plus rapidement Ottawa qui s’empressent de baisser les taxes plutôt que de penser à investir davantage là où c’est criant. Pendant ce temps à Montréal on s’empresse de tasser les chiens, et surtout le maître qui vient avec, pour faire place au spectacle plutôt que de travailler la cohabitation. Votre article est paru en Aparté! Justement, plutôt que d’unir les forces qui peuvent faire la différence, vous aurez choisi de nourrir la chanson : pendant que la droite joue au golf, la gauche se déchire. L’intellectuel, lui, se contentera de rester à part, condescendant, bien au chaud pour écrire sa chronique qui payera son condo de luxe dans Hochelaga Maisonneuve; il étudiera le bon peuple qui se démène à crier l’injustice car il est vrai qu’il n’a pas les rennes du pouvoir (et le pouvoir lui ferait peut-être changer de char ?) mais peut-être que ce cri garde au moins vivant ce qui lui reste d’humanité.
Il faut rétablir quelques faits. Le Banquet Cochon ne lance pas le message « sans foie gras, point de salut! » mais plutôt « ce fois gras, en veux-tu ? », un message que l’on peut regarder sous deux angles, l’un symbolique et l’autre bien humblement concret, de l’offrande de ce que l’on sait bien faire, parce que c’est bon, que c’est un savoir-faire et une mise en valeur de produits fins locaux apprêtés de manière si sublime que l’on parle d’art de la table et que ça fait chaud au cœur de voir des gens, qui l’ont difficile, passer un moment qui sera gravé dans la mémoire si longtemps qu’il aidera à passer le reste... Et oui, quelques personnes qui ne sont pas de la rue viennent pour ne pas faire un ghetto de tout cela, pour aider au service aussi et quand ils ont des sous, ils nous aident à financer l’événement car le Banquet est offert gracieusement par les chefs. Si Angèle Dubeau venait jouer à l’État d’Urgence, diriez-vous la même chose? Sous l’angle symbolique, la soirée vous dit haut et fort - et les chefs sont les premiers à vouloir le crier – comment une société si riche laisse-t-elle la condition de pauvreté augmenter, comment ce faste que nous produisons comme société ne réussit-il pas à combler les besoins primaires et à nous élever vers plus de justice et d’équité, pourquoi le garder juste pour soi si j’ai la chance de le partager ? C’est ce que le Banquet nous dit et il n’a rien à voir avec un tour de char de luxe car partager un bon repas est un moment bien plus fondamental qu’une ballade motorisée…mais cela prend peut-être une sensibilité qui n’est pas encore développée chez tout le monde…je suis certaine pourtant que l’intellectuel a déjà goûté la volupté d’un repas haut de gamme et qu’il y pense des fois…en cachette cependant car …à quoi ça sert?
Un camp de réfugiés en plein centre d’une ville riche. En 1998, c’était le 50e anniversaire de la Déclaration des droits de l’Homme, c’est là que l’événement est né. Il crie son indignation devant la guerre, la pauvreté laissée à elle-même et non pas les dizaines mais les centaines de personnes qui s’impliquent de près ou de loin à l’État d’Urgence le crient aussi. Le symbole est fort et l’expérience concrète ne l’est pas moins. La sensibilisation a réussi à arrêter la guerre du Vietnam, à tuer le Suroît et bientôt peut-être les ports méthaniers. Il ne s’agit pas que de mots pour se donner bonne conscience mais d’une action concrète, d’une occasion réelle d’oser un geste de solidarité.
À quoi ça sert l’art? Il y aura encore de la misère dans les rues de Montréal mais aussi de Bangkok et de Jakarta le 26 novembre et cela ne fera pas la nouvelle mais que des humains ait tenté d’aller vers l’autre, l’un posant un geste esthétique, l’autre une assiette. Apaiser la souffrance ne serait-ce que pour quelques jours et que la panse pleine et le corps rassuré, nous puissions ensemble nourrir notre intelligence et notre âme avec de l’art, cela aura été important. L’État d’Urgence est une grande clé, un tableau vivant et non une nature morte. Symboliquement il crie l’injustice et concrètement il offre une occasion de faire du bien, ce qui n’est pas rien. L’accessibilité à la culture ne passe pas que par la gratuité, il faut aussi qu’elle vienne vers vous et que vous vous sentiez bienvenu. La rue est chez elle et le grand public y est bienvenu, en bout de ligne on fait un grand tout et franchement, ça fait du bien à tout le monde.
L’État d’Urgence de l’ATSA est un lieu d’humanité et de culture, un lieu d’action et d’idées où la révolte se transforme en désir de donner, à sa mesure et dans la démesure s’il le faut. De grands artistes, 115, viennent offrir des œuvres inédites ou recontextualisées, ce qu’ils sont et sur ce même territoire, la Place Émilie Gamelin, vous pourrez découvrir des artistes de toutes disciplines. Ils ont passé du temps à penser à ce qu’ils allaient faire, à comment ils allaient susciter une rencontre réussie et digne. Ils espèrent vous rencontrer et créer un moment de grâce qui rend le monde meilleur car l’art est là pour ça, pour renouveler la réflexion, la magie, pour que l’on débatte et se réjouisse, pour repartir avec un élan qui nous rappelle que la vie offre mille possibilités et que manger et dormir c’est bien mais discuter, rêver, reconstruire, vouloir changer le monde…c’est mieux et que si on savait mieux partager nos richesses, on pourrait tous le faire 365 jours par année et que c’est ça qui serait normal, que l’on s’épanouisse plutôt que l’on croupisse.
À chaque année, les sans abri nous disent : « c’est la seule fois de l’année ou je me sens utile ». En effet, plusieurs d’entres eux, avant même que je colle les posters dans les refuges, ont imprimé les dates sur le babillard et s’offrent à aider l’équipe de l’ATSA au montage. Tout au long du camp, nous formons une équipe mixte ou les gens du public se mélangent à la rue et quand on se dit à l’année prochaine, c’est important. Maintenant, au camp, on se fait demander « c’est qui les artistes cette année? » alors là, on est passé à autre chose, la curiosité. Non, une huitième année d’État d’Urgence ne règlera pas le sort de la pauvreté mais il aura dynamisé une portion de la population soit à reconnaître la misère d’autrui, soit à sentir que l’on peut être accepté et utile. Cette idée seule devrait servir à relancer le politique sur les réelles solutions que l’on peut apporter. Et les solutions ne sont pas dans la réglementation anti-chiens, elles sont vers plus d’intervenants dans les rues, plus de logements sociaux, plus de contacts humains, moins d’isolement…et l’État d’Urgence est un moment, extraordinaire certes, un moment privilégié pour agir.
Allez l’intellectuel, ne reste pas tout seul avec ton cynisme désabusé. On est d’accord avec toi; cela prendra plus que des festivals ou des dons de livres pour changer le cours de la pauvreté systématisée dont l’itinérance n’est que la pointe visible. Il faudra que chacun engage un processus plus critique face à l’individualisme féroce. Chacun utilise les leviers dont il dispose pour alerter, revendiquer ou tout simplement s’intéresser à une question de la plus haute importance pour lui. Décréter l’État d’Urgence est un geste fort par son action et par sa symbolique. Participer à l’État d’Urgence est une piste de solution à notre mesure. Bienvenue à l’État d’Urgence.
2 Comments:
WOW !
merci.
Tiens vous bloguez encore
Philippe Méthé, rue Émilie-Gamelin, R-D-L
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