Félicité.... it's Bliss
J'entre au théâtre de la Licorne avec Loverman, il y a une file d'attente pour entrer dans la salle. Agréable atmosphère, les gens attendent, molo, l'éclairage est doux, les conversation feutrées. Ça baigne quoi. Les portes s'ouvrent, éclairage au néon sur les côtés de la salle , musak de centre d'achat qui sirupe et dégouline des haut-parleurs. Je m'assoie à côté de Loverman, on rigole un peu. On regarde la scène dépouillée, Loverman me fait remarquer un détail typique des scénographies de l'auteur. Puis nous commençons à gigoter sur nos chaises; les néons, la musak et derrière nous, une jeune verbomoteur qui émet un flot ininterrompu, mais vraiment ininterrompu d'insignifiances navrantes. Son compagnon acquiesce, en rajoute, encore plus creux, ça réverbère. Tout d'un coup c'est comme si nous étions dans une file d'attente dans un centre d'achat de l'enfer!! La table est mise, on est prêts pour cette virée surréaliste dans le monde de Choinière.
La pièce commence. La pièce c'est Félicité, le dernier Opus d'Olivier Choinière. Les acteurs, employés dans un Wall Mart, racontent la vie d'une diva, ils en connaissent tous les détails s'en abreuvent, s'en nourrissent, puis tranquillement le discours glisse, dérape et le monde doré et factice éclate en une pétarade de mots violents, claquants dur comme des coups de poing sur la gueule, dans le ventre. Du grand grand grand Choinière. C'est du théâtre magnifique et c'est presque aussi de l'art visuel, les mots brossent aussi efficacement que le pinceau des scènes vivides qui s'impriment sur la rétine, des images qui s'incarnent comme des volutes s'élevant de la voix des acteurs, des images en couleurs et en odeurs, en rires absurdes et en douleur.Une mise en scène parfaitement efficace de Sylvain Bélanger, des acteurs époustouflants: Muriel Dutil, Isabelle Roy, Maxime Denommé et Roger Larue
De Céliiiiiiiiine à Isabelle, personnage mystérieux, du faux brillant,du faux sentiment, des fausses larmes, de ce qui nourrit les magazines et fait vivre tant de gens par procuration on est confrontés au plus profond des désespoirs, à la plus totale des horreurs humaines; Isabelle c'est la jeune femme de Sherbrooke qui est morte du cancer des ovaires il y a quelques années après avoir passé sa vie attachée dans son lit, violée, violentée ignoblement par son père, son frère et sa mère. Ces mondes juxtaposés, nous forcent à questionner qui sont nos dieux, qui sont nos icônes, de quoi sont-elles faites, et avec pareilles idoles vides de substance, qu'en est-il des démons qui peuplent notre monde.
La pièce finit, Loverman et moi sommes paralysés sur nos chaises, essayant de reprendre notre souffle, un certaine contenance.
Le lendemain matin, nous sommes allés à État d'Urgence, place Émilie-Gamelin. Le matin, il n'y a pas de médias, pas d'artistes, seulement les sans abris, ces réfugiés économiques, des exilés sociaux dans leur propre ville.
Je suis restée plantée, complètement conne et inutile, j'ai repensé à la pièce de la veille, au travail de l'ATSA qui survit persite et signe, encore une fois je me suis dit que l'art est peut-être inutile aux yeux de certains, mais il est surtout parfaitement indispensable pour nous tous.
Pour ceux qui ont manqué Félicité à Montréal, vous pourrez voir la pièce dans sa version britannique :
Bliss, au Royal Court Theatre de Londres en mars prochain.
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